5 Février 2024
En matière de décarbonation, le principe du « Book and Claim » (B&C) est une décorrélation administrative entre les flux physiques et les émissions en CO2 qui en résultent. Il s’appuie sur l’utilisation de certificats délivrés au client en échange de son engagement financier sur l’achat une certaine quantité de carburant décarboné, même si celui-ci n’est in fine pas utilisé par le prestataire pour les flux de ce client en particulier.
Ce système de book and claim (« je réserve et je m’approprie ») existe déjà dans le transport aérien, passagers et marchandises et bientôt dans le transport maritime.
L'AUTF a donc proposé qu'un tel système soit mis en place dans le cadre de la transition du parc poids lourds français vers l'énergie électrique.
Un tel système privé, réservé à leurs seuls clients, est aujourd'hui envisagé par certains organisateurs de transport. Il permettrait à leurs clients volontaires de bénéficier de réductions d'émissions même lorsque leurs marchandises sont transportées par des camions diesel.
Il suffit de leur faire payer l'achat d'un certificat auquel est rattachée la réduction d'émissions apportée par la traction électrique et dont le montant couvre tout ou partie de la différence de prix de revient entre électrique et diesel.
Chaque certificat porte sur une quantité définie d’émissions évitée par la traction électrique.
Sa valeur ramenée à la tonne de carbone évitée peut être soit librement négociée, soit fixée ou plafonnée dans le cas où le système est administré par les autorités publiques.
Il peut être annuel ou porter sur un engagement pluriannuel de versement de son montant.
Dans ce dernier cas, qui est surtout pertinent et applicable si l’ensemble du système est administré publiquement, il constitue une garantie de cash flow pour le transporteur détenteur de PL électriques, cash flow qui peut lui permettre d’augmenter le montant ou d’améliorer les taux de prêts bancaires nécessaires à l’acquisition de ceux-ci, jouant ainsi le même rôle de baisse du coût d’acquisition de ces PL qu’une subvention, sans l’effet pervers de la subvention qui incite les constructeurs vendeurs à ne pas maximiser leurs efforts commerciaux.
Suivant les profils et missions des PL (mission=kilométrage journalier/annuel moyen parcouru) et en prenant pour référence, et pour plafond en cas de système administré, la valeur de la tonne de CO2 actuelle du SCEQE 1/ETS 1*, soit 80 à 100 €/T, on arrive à des montants attribués par les donneurs d’ordre acheteurs de certificats correspondant à 3 à 5% du prix de revient total d’un PL gazole (6 à 10 de son TCO).
Sans rentrer dans le détail de mise en place d’un tel mécanisme, l'AUTF va proposer que les grandes flottes - propres et sous-traitées - des commissionnaires internationaux et des gros transporteurs, soient un terrain d'expérimentation pilote de tels systèmes au départ indépendants entre eux et gérés par ceux-ci.
Une deuxième étape constituerait en une généralisation et une unification sur l’ensemble du parc français d’un tel système book and claim, qui serait administré par les autorités publiques, avec le positionnement d'un registre national chez un tiers de confiance, comme IN Groupe, et la gestion des flux financiers assurée par la Caisse des Dépôts et Consignations.
Ce système démarrerait sous forme d'incitations des filières puis d'engagements d'entreprises à acheter des certificats à travers des contrats passés avec les commissionnaires et gros transporteurs, puis passant par le registre unique et la Caisse de dépôts pour obtenir et payer ces certificats dont les transporteurs recevraient les recettes.
L’AUTF se propose d’apporter à cette dynamique son expérience de travail sur des sujets connexes avec les principales filières de chargeurs industriels, agricoles et de distribution pour amorcer la phase pilote.
En conclusion l’AUTF a insisté sur le fait qu’une obligation, qui serait réglementée, pour les chargeurs d'acquérir de tels certificats à hauteur d'objectifs fixés par la loi ne devrait être instituée qu'en dernier recours, au cas où les objectifs décidés en commun par les parties prenantes publiques et privées ne seraient pas atteints au bout de 2 ou 3 ans par suite d'engagements insuffisants.